Devenir correcteur/correctrice
Nombreux sont celles et ceux aspirant à devenir correctrices et correcteurs qui me demandent des informations sur la formation que j’ai suivie et sur les débouchés dans ce domaine. Voici quelques idées personnelles.
Le métier de correcteur demande impérativement, selon moi, une formation1, car, outre les bases d’orthographe et de grammaire nécessaires, beaucoup de difficultés et de notions à connaître ne s’apprennent tout bonnement pas à l’école (ponctuation, typographie, barbarismes…). Et on n’a pas idée, sans formation adéquate, de l’amplitude d’action du correcteur sur un texte ; être « bon » en orthographe ou aimer la langue française ne suffit pas. Loin de là.
D’autre part, lire pour corriger est une lecture différente de celle à laquelle chacun est habitué. Il faut apprendre à lire (et analyser) la langue à toutes les échelles du texte en même temps, du caractère (y compris l’espace) au document tout entier, en passant par la phrase, le paragraphe, le chapitre, etc. Il faut un œil exercé à traquer les anomalies de fond comme de forme (répétitions, lourdeurs, amphibologies, cohérence des graphies...), de près comme de loin, si je puis dire.
La formation que j’ai suivie au Centre d’écriture et de communication (CEC)2 en 2003/2004 était à ce titre de grande qualité et de grande utilité pour moi. Et, même si on ne connaît pas tout, même s’il faut continuellement se former, rechercher, lire et apprendre (notamment les nouveaux mots et acceptions !), même s’il faut évoluer, s’adapter aux nouvelles pratiques et technologies, à chaque client aussi, je remercie encore aujourd’hui les intervenants du CEC pour tout ce qu’ils m’ont apporté, tant en connaissances qu’en réflexes de correcteur. Le plus important n’est pas de connaître par cœur Le Larousse et « le Grevisse ». Le plus important, c’est de savoir douter au bon moment et où chercher en cas de doute !
En ce qui concerne la recherche d’emploi, il faut frapper aux portes et se faire connaître, comme pour toute activité. Seulement le salariat, en matière de correction professionnelle, ne représente aujourd’hui, je pense, qu’une faible part de l’activité, car seules certaines grandes maisons embauchent, mais les clients potentiels autres sont multiples : entreprises diverses, organes de presse, collectivités, agences de communication, associations, étudiants, blogueurs, jeunes auteurs... Un grand nombre de personnes, particuliers comme professionnels, sont intéressées par le service.
Certes, en proportion, peu engagent les frais nécessaires – beaucoup font le choix d’une relecture « en interne », par un ami ou un collaborateur, non professionnel de la correction mais gratuit. La concurrence est rude aussi entre correcteurs affichant des tarifs très variés, face à des clients hésitant à la dépense. Or, comme bien souvent, il faut savoir que les tarifs sont notamment le reflet de l’expérience ou de la spécificité du prestataire. Aussi faut-il, selon moi, savoir perdre de potentiels clients, plutôt que de brader son travail en baissant ses tarifs à outrance, pour préserver une rémunération juste pour tous les correcteurs, et aussi valoriser l’expérience et/ou les atouts particuliers de chacun.
Il va sans dire que le bouche-à-oreille est primordial. Il faut donc également savoir convaincre un client par le travail effectué, le satisfaire, et, plus encore, le stupéfaire3 !
Il est donc possible de dégager un revenu raisonnable de cette activité, car il y a beaucoup de travail, mais il faut beaucoup prospecter, et prévoir de travailler, en indépendant, pour beaucoup de clients différents.
Enfin, concernant les perspectives de travail (et non d’emploi) face à la concurrence des correcteurs informatiques, il se peut qu’un jour l’IA nous étonne vraiment, mais, pour l’heure, on en est loin. Il existe quantité de logiciels de correction, gratuits, payants, « professionnels », qui certes représentent une béquille utile, même pour les correcteurs (humains) professionnels, pour une lettre oubliée ou un triple s passé inaperçu. Mais, malgré le savoir encyclopédique que ces logiciels contiennent en matière d’orthographe et de grammaire, il leur manque ce que seuls les humains peuvent faire : comprendre ce qu’ils lisent, et, je dirais même plus, comprendre ce que l’auteur a voulu dire... Par exemple, pour déceler les tournures de style inhabituelles, les jeux de mots, le langage parlé et toute erreur volontaire que l’auteur aura introduits pour servir son propos, et qu’il conviendra donc de ne pas corriger... Aucun des deux correcteurs, l’humain comme l’informatique, n’est infaillible, mais le service n’est tout simplement pas le même, et l’humain fait pour le moment toujours mieux que la machine, n’en doutez pas ! (Une petite démo ? Ici et là)
Pour conclure, à mon avis, si les correcteurs informatiques ont le vent en poupe, c’est aussi parce que les Français, quoi qu’on en dise, s’intéressent de plus en plus au « bien écrire ». Je rapproche cela du succès non moins grand des concours de dictées, du Certificat Voltaire, des coachs en orthographe, etc. Et c’est une bonne nouvelle pour la langue française. De nombreux correcteurs et correctrices sur la place publique doivent également sentir ce phénomène. De mon côté, je le ressens dans la demande des clients… et par le nombre important de demandes d’information sur le métier !
1Il est vrai cependant que certains correcteurs ont un parcours professionnel dans le monde du livre et ont appris le métier « sur le tas » dans le cadre de leurs précédentes fonctions.
2À noter que le CEC a fermé définitivement ses portes en 2022.
3Je joue ici sur la rime, bien sûr. Certes, ce verbe est rarement vu à l’infinitif, mais il existe bel et bien ! (le voir dans Le Petit Larousse)
Date de dernière mise à jour : 2023-05-09